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Les pierres du brésil, l’arc en ciel absolu

On le dit parfois : les plus beaux paysages, les plus beaux pays sont la source pour les pierres les plus extraordinaires… comment l’expliquer ? nous commençons un voyage autour du monde pour découvrir avec le brésil les pierres venant des pays les plus exotiques. le brésil a toujours été un des pays les plus importants au monde pour les pierres précieuses : coloré, Généreux, doté d’une nature paradisiaque, il produit dans les profondeurs de son sol, un éventail tel de pierres que aucune couleur de l’arc en ciel n’y est absente.

Le plus grand pays d’Amérique latine est aussi celui où l’on trouve une variété incroyable de pierres, fines comme précieuses, ce que l’on sait beaucoup moins. Des myriades de petites entreprises, souvent familiales, extraient et taillent les bruts, qui sont eux aussi beaucoup exportés pour être retravaillés. La situation de la pierre précieuse est contrastée au Brésil, car on n’y connaît pratiquement que un seul « grand joaillier » dont l’inspiration est largement puisée dans l’abondance et les couleurs des ressources naturelles en pierres : Stern, le grand maître et virtuose de la pierre de couleur…. Nous allons donc beaucoup parler de gemmologie mais aussi des histoires extraordinaires des pierres précieuses du Brésil, pays qui fut la cible de toutes les convoitises.
Stern, le Grand joaillier de la couleur
Même s’il existe beaucoup de créateurs très doués au Brésil (je pense à Carla Amorim par exemple avec ses bijoux
simples et pourtant très glamour et très colorés), il n’y en a vraiment qu’un seul qui soit mondialement connu et célèbre : Stern. Qui n’a pas vu passer ces colliers très connus de rivières de pierres fines reproduisant l’arc en ciel en tour de cou, avec bracelet et bague assortis ? Quel est le touriste étant allé au Brésil qui n’a pas visité les ateliers de Stern, pour peu qu’il soit descendu dans un hôtel de Copacabana ? Dotée d’un approvisionnement sans failles dans toutes les mines du pays, possédant de la mine à la boutique (ce que de nombreux joailliers se consacrant au diamant ou aux pierres précieuses tentent de faire), la maison Stern « truste » le marché du bijou au Brésil, même si elle veut se donner dans les dernières années une image de joaillier créateur international, notamment en engageant des designers de mode comme Diane von Furstenberg. On vous fait visiter les ateliers de taille, on vous explique comment les couleurs sont sélectionnées et mises ensemble en harmonie ou en dégradé puis on vous fait passer à la boutique où vous découvrez le produit fini…Du grand art !!!

Brésil terre des pierres fines de qualité
Les zones dans lesquelles on découvre des pierres fines et dures en quantité sont toutes situées à l’est du pays, près du littoral, donnant sur l’océan. Les zones gemmifères ne s’arrêtent pas aux frontières – ce n’est jamais le cas, comme elles ne s’arrêtent pas non plus sur le front de mer et de nombreux gisement peuvent bien entendu continuer sous l’eau, mais sauf pour le diamant, ce n’est jamais rentable d’exploiter sous la mer car les courants entraînent toutes les pierres. Aller au Brésil pour trouver des pierres fines de qualité semble une évidence pour tous les négociants, c’est le seul endroit où la qualité va rencontrer la quantité. la topaze reine incontestée Comment parler du Brésil et de ses pierres sans parler de la topaze ? C’est impossible, pour une bonne raison : C’est là, dans la ville de Ouro Preto, magnifique cité coloniale ancienne perchée dans les montagnes du sud-est du pays, où même les trottoirs sont pavés d’agate, que l’on trouve l’unique source actuellement fiable de topazes impériales. Pourquoi impériale ? Parce que, du Portugal à la Russie, les rois et les empereurs ont toujours favorisé cette pierre très éclatante et le Czar de Russie en avait même annexé à l’époque toute la production russe pour son usage personnel. Fabergé a ainsi produit de magnifiques et nombreux bijoux ornés de topazes impériales, rouges orangées dotées d’un feu intérieur, de très grande qualité. On trouve également d’autres topazes en grande quantité, bleues et roses ou incolores. Il reste encore des gisements qui produisent de belles pierres non traitées avec une couleur naturelle superbe, ce qui, il faut en convenir, est aujourd’hui rare.

Emeraudes du brésil
On le sait moins, on trouve des émeraudes, et de très belles au Brésil. Ce n’est d’ailleurs pas la seule pierre précieuse
qu’on y trouve, mais nous y reviendrons plus tard. Les émeraudes du Brésil n’ont pas grand-chose à voir avec les gisements de Colombie : les puristes reconnaissent tout de suite des inclusions caractéristiques, mais qui à mon avis ne sont pas moins belles, surtout si la couleur est bien saturée et on voit parfois de très belles pierres. Les pierres peuvent être surprenantes car elles sont d’un vert « sapin » caractéristique et elles viennent toutes d’une petite région dans l’état de Bahia (toujours dans le sud-est du pays). On a trouvé en 2001 dans ce même état un énorme cristal (380 kilos !!!) qui était bien un cristal d’émeraude mêlé avec la roche mère, de très grande qualité, évalué à plus de trois cent millions de dollars! Une histoire rocambolesque s’en suivit, la pierre ayant été volée et à un moment et même mise sur internet en vente sur le site eBay pour un prix « buy it now » de 75 millions de
dollars !

Les diamants du brésil
On a trouvé des diamants au Brésil et on en trouve encore un peu. Mais le pays fut dans le passé la source principale de grosses pierres très belles avant de se faire complètement dépasser et supplanter par l’Afrique du sud. La découverte des diamants du Brésil arrive à un moment inespéré : en effet, vers 1725, il n’y a presque plus de diamants exploitables en Inde. Ces mines mythiques, qui ont tenu pendant plus de deux mille ans, n’ont plus rien à donner. En revanche, le Brésil se révèle rapidement très prometteur. On trouve le diamant avec l’or dans le même gisement, le long de la rivière Jequitinhonha dans la région de Diamantina, au nord-est de Rio, à plus de 800 km. Les diamants brésiliens sont d’office portugais, car le pays est une colonie depuis 1500. Dès la fin du xviiie siècle, près de 4000 esclaves travaillent dans 12 centres d’extractions. Les conditions sont très dures, l’extraction se fait en surface en grande partie et les autochtones sont traités en esclaves. Ce n’est que dans la seconde moitié du XIXème
siècle que les ouvriers verront leur condition un peu humanisée. Le Brésil se révèle un centre formidable du diamant : en 80 ans, plus de un million de carats sont extraits et au moins 80 grosses pierres sont envoyées au Portugal pour orner les joyaux royaux, qui existent encore dans les collections des anciens souverains. Le diamant Braganza par exemple, trouvé en 1740 – une pierre d’une taille respectable : 1680 carats– est promptement expédié au Portugal pour orner la couronne…. Avant qu’on s’aperçoive plus tard que ce n’est qu’une topaze. Oups. Bien vite les gisements ont été épuisés dans le Minas Gerais mais les mines alentour produisent toujours aujourd’hui de nombreuses autres pierres, comme des aigues marines, des morganites, émeraudes, topazes et tourmalines dans une abondance toujours renouvelée, un foisonnement de couleurs unique.

DES TOURMALINES DE GRANDE VALEUR
Sans conteste, certaines tourmalines parmi les plus belles au monde sont trouvées au Brésil. On trouve bien entendu
toutes les couleurs classiques de la tourmaline au Brésil et c’est un fait, nulle part ailleurs on ne verra chez les négociants un tel assortiment complet de couleurs toutes plus vives les unes que les autres. Mais on ne peut parler du Brésil sans citer les fameuses tourmalines Paraiba, du nom de l’endroit où on les trouve. Elles ont à une certaine époque défrayé la chronique et leur prix a atteint des hauteurs comparables à celles des pierres précieuses – jusqu’à 20 000 dollars le carat – sans toutefois atteindre celui du diamant. La Paraiba est d’une couleur unique et très vive, une sorte de bleu turquoise très intense avec des sous couleurs de bleu océan. C’est ce jeu subtil de dichroïsme précisément entre les verts et les bleus qui donne son prix à cette pierre unique. On a l’impression en la regardant qu’on va la voir même dans la nuit. Très longtemps, après la découverte dans les années 80, on a cru que le Brésil était la seule source de Paraiba, mais depuis quelques temps, d’autres gisements ont été découverts au Nigeria et au Mozambique, dans le même temps la source s’est presque tarie au Brésil. Les tourmalines encore découvertes
aujourd’hui d’une grande qualité et de cette caractéristique couleur très vive, presque à l’éclat du néon, sont très
très chères et n’ornent plus pour les plus beaux cristaux que des parures de haute joaillerie.

AIGUES MARINES DE SANTA MARIA
Un des béryls les plus recherchés, la fameuse aigue marine de Santa Maria possède une couleur rarement aussi intense et saturée. La plus grosse pierre de qualité gemme a été extraite au Brésil (110 kilos), mais il n’est pas rare de trouver de très gros cristaux de béryl, pesant parfois plusieurs tonnes. L’aigue marine, pure et remarquablement transparente peut avoir le défaut de posséder une couleur un peu délavée. Celles qu’on trouve dans ce gisement possèdent un bleu intense. De manière plus générale, le Brésil est un paradis pour les chasseurs de béryls, et on en trouve de très beaux verts en Amazonie. A ce titre, rappelons simplement qu’un béryl vert émeraude…est une émeraude et qu’une pierre d’un vert plus clair est un béryl vert, mais beaucoup moins rare. Sur des cristaux clairs, la couleur vert tendre peut être réellement très attrayante.

UNE HISTOIRE DE QUARTZ
Bonne nouvelle, on trouve au Brésil absolument tous les quartz possibles et imaginables – absolument tous. Des plus
précieux – l’améthyste et sa soeur la citrine qu’on trouve dansle sud pour les plus beaux et en Uruguay, qui ont une couleur légèrement rosée mais très intenses en couleur – au plus simple quartz fumé, cristal de roche ou calcédoine de toutes les couleurs, et bien entendu des tonnes d’agates zonées ou non de toutes sortes. Les citrines ont ici des couleurs « madère » et orangées naturelles du plus bel effet et très intense et les géodes géantes d’améthystes proviennent presque toutes de cette région du sud très riche en quartz. D’une certaine façon pays de la démesure, il n’est pas rare de trouver des cristaux géants, qui pèsent plusieurs dizaines de kilos, voire plusieurs centaines.

EN CONCLUSION
Si on voulait dire les choses très vite, on pourrait dire qu’au Brésil, on trouve la qualité, la quantité et l’embarras du choix pour toutes les couleurs. Le terrain géologique ne permet pas toutefois d’extraire ni rubis ni saphirs. Si on exclut ces deux pierres précieuses, on a vraiment dans les mains tout ce qu’il est possible de sertir sous le soleil. Le Brésil, terre d’exploitation, transforme peu ses pierres car les zones productives sont peu intégrées : une importante production de brut en pierres de couleur contribue pour plus de cent millions de dollars aux exportations du pays. C’est aussi une des raisons pour lesquelles on arrive, comme particulier en voyage, à trouver facilement des pierres, vendues bien souvent non montées dans des centaines d’échoppes à Ouro Preto, à Rio ou ailleurs un peu partout dans le pays, pour peu que l’on soit assez proche d’une zone d’exploitation. La ville de Trefilo Otoni ( toujours dans l’état du Minas Gerais) par exemple est un véritable atelier de taille à ciel ouvert (plus de 3000 tailleurs et négociants y sont installés). Egalement dans toutes les foires aux gemmes, on verra des étals entiers débordants de pierres brésiliennes, même si les grands négociants et tailleurs sont déjà passés par là en prélevant les plus beaux cristaux
à tailler pour les joailliers. En fait, le Brésil, inépuisable terre, est tout simplement la plus grande réserve de pierres
existante au monde.

Légende:
Photo présentation: H.stern, bague Cobblestones en or noble, améthyste, quartz fumé et diamants.
Mellerio dits meller, bague Goa, émeraude taille ovale (1,96 carat), 22 tourmalines Paraïba (0,70 carat), 60 émeraudes (1,04 carat), 39 saphirs (1,27 carat), 110 diamants brillants (2,11 carats), or gris. Transformable en
pendentif.
Isabelle langlois, bague ligne «Emotion» en or rose avec citrine, tourmalines rose, rhodolites, saphirs roses foncés,
diamants.

Photo n°2: Mine de tourmalines d’Araçuaï
Photo n°3: Émeraudes
Photo n°4: Citrines
Photo n°5: Le quartz rose étoilé magnifique fait plus de 600 carats
Photo n°6: Topazes
Photo n°7: Béryls
Photo n°8: Améthystes
Photo n°9: Vue de la ville de Téofilo Otoni dans le minas Gerais
Photo n°10: EMMANUELLE ZYSMAN, bague Honey en or jaune et diamants noirs.
Photo n°11: H.STERN, bague d’oreilles en or jaune, améthyste, aigue-marine, quartz fumé et citrine.
Photo n°12: Aigue marines
Photo n°13: Tourmalines parabia
Photon°14: FREDIANI

Découvrez Le Nouveau Magazine Joaillerie n°105

Par Odile Emanuelli – FGA